S'il y a
bien un jeu au monde qui a révolutionné les jeux de "donjons et dragons",
c'est bien Dungeon Master ! La 3D et le temps réel étaient enfin
gérés dans un jeu de rôles. Sorti initialement sur Atari 520 ST (il
fut souvent associé à la marque, servant de fer de lance à Atari pour
vendre des ordinateurs), le développeur F.T.L. (Faster Than Light) a
fait sa fortune sur ce titre et sa séquelle (Chaos Strikes Back).
Ensuite, on n'a plus jamais entendu parler d'eux ! La majeure partie
de l'équipe (ils étaient sept en tout) ayant été absorbée par Raven
software (Black Crypt pour les connaisseurs ou plus récemment
Soldier of Fortune) ou Psygnosis (Shadow of the Beast).
Je vous rappelle
le principe de base : vous choisissez quatre combattants parmi les classes
proposées (le chevalier, le magicien, l'archer, l'elfe, la sorcière,
le nain, le paladin, etc…) et vous partez explorer le fameux donjon
tout en 3D. Ce qui fait la force de ce jeu, ce ne sont pas ses graphismes
(au bas mot 4 couleurs), sa musique (inexistante), son animation (écran
par écran : on est loin d'un Doom-like) mais sa gestion (toute proportions
gardées) du temps réel. Vos personnages consomment le l'eau et de la
nourriture, ils dorment pour reprendre des forces. S'ils se butent lamentablement
contre un mur, ils perdent des points vie. Idem s'ils se prennent une
fermeture de porte dans la tronche ou s'ils passent par une trappe.
S'ils n'ont plus de torche, il se retrouvent dans l'obscurité, s'ils
trouvent un objet (un casque, une masse, un caillou), ils peuvent l'utiliser…
Bref, c'est du grand art ! Autre point positif : les sorts que vous
créez vous même avec vos petits doigts boudinés et vos petites fioles
! Certains sont impressionnants (pour l'époque), et quel régal de voir
déferler toute votre puissance dans cette myriade de pixels (2 couleurs
maxi).
Il va sans
dire que la conversion PC-Engine de ce titre est parfaite. La société
Victor Musical Industries -spécialisée dans l'import de titres européens
(on leur doit aussi Shadow of the Beast)- a dû avoir un peu honte
de proposer en '93 un titre graphiquement si fade, alors ils ont étoffé
le jeu avec des dessins animés d'excellente facture et changé le mode
de jeu. En plus fallait bien justifier la trentaine de personnes présentes
dans le staff japonais (contre sept chez F.T.L.). Par exemple, et à
l'inverse de la version Atari, le jeu vous impose un personnage : Theron
(d'où le titre) et le donjon a été scindé en plusieurs parties, réparties
sur une carte originale, histoire de rendre le jeu plus facile et plus
accessible aux japonais. En définitive, je dirais que même si le jeu
a énormément vieilli (et encore j'suis sympa), la magie du donjon opère
encore. Si vous pouvez, essayez d'obtenir la version U.S. de ce titre
car même si le japonais ne rebutera personne dans le jeu, l'histoire
de Theron sera plus attrayante en anglais (sauf bien sûr si vous parlez
couramment japonais, dans ce cas là, c'est pas la peine de venir nous
narguer, enflures !).
Les nostalgiques
de la belle époque doivent se ruer sur ce pur jeu "occidental" mis à
la sauce nipponne, car il s'agit là de la meilleure version -tous supports
confondus (même la version PC 1 GHZ avec 256 Mo et GeForce ne lui arrive
pas à la cheville) ;o). A l'époque, elle est quasiment passée inaperçue
(faut dire qu'avec Dracula X, Snatcher, Far East
et compagnie pour concurrents, c'était dur de s'imposer) et le devoir
de mémoire nous oblige à respecter les concepts novateurs. Par contre,
les plus jeunes risquent d'être désabusés et vont se demander comment
on pouvait jouer avec des jeux pareils. Mais Dungeon Master, c'est un
peu le Pacman du jeu de rôles. Ben ouais, on est fan ou on ne
l'est pas (je devrais plutôt dire nekofan) !
Necos
Je sais,
mon collègue Necos l'a déjà fait, mais je ne peux
pas démarrer le test de Dongeon Master sans vous toucher
deux mots de la version Atari ST. C'est vraiment un jeu trop marquant
dans l'histoire de la vidéo-informatique pour être passé
sous silence...et puis zut, le bougre a déjà tout dit
! :) Reste juste que c'est le précurseur de jeux tels que Bloodwych,
Eye Of The Beholder ou, pour les consoleux, Shining In The Darkness.
Ah oui, et lorsque l'on sait que sans ce dernier, il n'y aurait peut-être
jamais eu de Shining Force, on peut dire merci aux gars de F.T.L.
!
Comme l'a
déjà précisé Necos -décidemment...-,
la société Victor a procédé à quelques
retouches dans le but d'adapter ce jeu europeén aux goûts
du public japonais. Pour la peine, on a donc droit à un tout
nouveau scénario, très soft, juste là pour expliquer
pourquoi le joueur passe sa vie dans des couloirs labyrinthiques. On
dirige donc le jeune Theron qui, après n'avoir pu assister au
rituel de son village qui aurait fait de lui un homme, se dévoue
à aller retrouver les sept trésors sacrés, volés
à la cité perdue de Ya-Brodin. Il va donc falloir se taper
les septs dongeons, les uns à la suite des autres, mais dans
l'ordre que vous voulez. Ce "découpage" du jeu est,
à mon sens, plutôt une amélioration par rapport
à la version originale où l'on rodait des heures, des
jours, des mois dans un unique, immense, dongeon. N'allez pas croire
pour autant que le jeu est devenu facile : il est juste plus aisé
que sur ST, mais reste extrèmement ardu. Un truc à savoir,
et qui ne simplifie pas toujours les choses : à chaque fois que
vous finissez un dongeon, tous vos personnages (sauf Theron) perdent
leurs caractéristiques et objets. La tradition du Dongeon-RPG
à la japonaise (inaugurée par Torneko No Daibôken),
semble-t-il...
Enfin, un
élément rend la progression encore plus délicate
: on ne peut sauvegarder qu'entre chacun des sept dongeons. Lorsque
l'on connait la taille de ces derniers, on se dit qu'il pourrait être
utile de prévoir un bon paquet d'aspirines...et aussi beaucoup
de temps libre ! Rien que pour ça, Theron's Quest n'est destiné
qu'aux forcenés.
Reste que
quand on voit à quoi ressemble le jeu, on comprend vite que seuls
les plus hardcore de ces forcenés resteront scotchés à
leurs pads. En effet, ce n'est pas franchement la fête du graphisme
: TOUJOURS les même couloirs monocolores, les mêmes grilles,
les mêmes portes... Et pourtant, aussi suprenant que cela puisse
paraître, la monotonie n'affecte pas, ou très peu, le plaisir
que l'on a en jouant : on est tellement pris à essayer de faire
survivre (car à ce niveau, c'est effectivement de la survie !)
ses personnages, à essayer d'actionner tel ou tel interrupteur,
d'ouvrir une quelconque porte... Y a vraiment de quoi faire. En plus
de ça, les combats, confus mais néanmoins gérables,
maintiennent encore davange la pression.
Pour l'animation,
pas de miracle, c'est toujours du "case par case" bien rigide.
Par contre, cette adaptation PC-Engine (contrairement à la version
micro, ce qui explique les dires de Necos...) viendra titiller vos oreilles
puisque elle propose désormais des musiques, certes peu nombreuses,
mais de très bonne facture car très pures. Peut-être
parfois un peu saoûlantes lorsque l'on rôde comme un loup
pendant plusieurs heures dans un *%$! de dongeon...
Theron's
Quest est un produit extrêmement complexe, aussi bien dans le
déroulement de l'aventure que dans les différents paramètres
qu'il met en jeu, mais qui distille un intérêt très
puissant. Il n'y quasiment aucune chance que quelqu'un n'ayant pas connu
l'époque ST arrive à s'y mettre, mais les rescapés
de cette période devraient prendre un pied absolument énorme.
Kabuki