J.B.HAROLD SERIES #1
MURDER CLUB
(U.S. : J.B. HAROLD MURDER CLUB)
Digital Comic
Riverhill Soft / Hudson Soft
1986 / 1990

Mon tonton est formel : le plus grand détective de tous les temps s'appelle Sherlock Holmes. Bizarre, car lorsque je pose la même question à mon petit cousin, il me répond Détective Conan. Ma grand-mère, elle, me fait signe que c'est Barnaby. Quant à moi, allez savoir, je n'ai d'yeux que pour J.B. Harold.
Faut dire qu'il a le look coco, avec son parfait déguisement de l'enquêteur ténébreux : imper', chapeau, clope au mec, et bien sûr le gros Python qui tache. Hungry for some more snake ?

Grand hit de la fin des années 80' (1986 pour les fétichistes du calendrier) sur PC-88, Murder Club est la première enquête du père Jibé, et sera par la suite adapté sur une pléthore de supports, de la Famicom au FM-Towns, en passant par la PC Engine en 1990. Cette dernière version, débarquement du support CD oblige, est dans doute celle qui aura le plus marqué les joueurs, conjointement avec la toute première.
Pour la petite histoire, le fat come back sera rapide (toujours dans un premier temps sur ordis nippons) avec Manhattan Requiem et son extension Kiss of Murder, puis D.C. Connection. Finalement, presque dix ans après les débuts de la série, alors que plus personne ne l'attendait, la quatrième et dernière aventure, Blue Chicago Blues, débarquera sur les consoles hype de l'époque (Saturn et PlayStation), mais aussi sur des supports plus exotiques, Mega-LD et PC-FX en tête. Champagne !
Alors qu'au Japon quasiment toute la série est aujourd'hui disponible sur téléphone portable (non mais quelle décadence les enfants), Nekofan vous propose ce petit retour sur Murder Club, histoire que vous sachiez à quoi vous occuperez vos prochaines heures de RER.

Dans ce premier jeu, notre cher inspecteur se voit confier "l'affaire Bill Robbins", 34 ans, marié, CEO d'une grande société, et surtout sauvagement poignardé. Putain, ce brave Bill, mort, j'le crois pas, lui qui était toujours si serviable....... Mais qui, sob sob, QUI, aurait bien pu lui sob en vouloir ?!
Le corps a été retrouvé par Morton, gardien de nuit, à 01h00 dans le parking du collège Houlington. D'après ses collègues, il a, le jour de sa mort, quitté son bureau à 20h00 avant d'aller se bourrer la gueule au Hungry Fisherman, le rad' branché du coin. Il faut dire qu'il adorait siroter du Bourbon avec la pianiste résidente, Sara. On ne sait pas exactement ce que Bill a fait pendant les heures suivantes, si ce n'est que Paul, le gérant du pub, l'a aperçu vers 23h30 à la sortie de l'établissement, en train de se s'embrouiller avec Stanley, écrivain de la loose et accessoirement pochtron notoire. On ne le reverra plus vivant.
D'après sa famille, aucun effet personnel n'a été volé sur la victime, ce qui écarte derechef l'hypothèse du crime crapuleux. Bill Robins avait-il des ennemis ? Des problèmes d'argent ? Un frère jumeau caché ? Un amant ? TinTinTinTiiin...
Son partenaire et mentor venant juste de partir à la retraite, J.B. Harold se voit contraint de mener cette enquête tout seul comme un grand, dans la pure tradition des meilleurs Hollywood Night.

Avec son rutillant format CD-ROM, J.B. Harold se pose là avec ses images et voix digitalisées. Autant dire que les joueurs de l'époque s'en souviennent avec une pointe d'émotion.
Et là où l'on applaudit des deux mains et des deux pieds, c'est que le jeu est absolument, totalement, complètement bilingue. Comme si sa mère était japonaise et son père américain quoi. Il faut dire que bien qu'ayant été développé au Japon, le contexte et les environnements qu'il propose sont fortement occidentalisés, ceci expliquant cela..... quoique non, attends, trop facile ça ! Comme si c'était la norme que tous les jeux nippons se déroulant en Occident soient, pas défaut, totalement traduits ?! Donc ne faisons pas nos vieux blasés, et saluons, que dis-je, standing-ovationons, les mecs derrière ce gros boulot linguistique ! Dans les faits, le résultat est là : il est possible de basculer à tout moment en japonais ou en anglais, aussi bien pour les textes que pour les voix (!). Et ça, c'est tout simplement classieux.

D'un point de vue gameplay, pas de miracle, Murder Club n'est dans le fond qu'un bête Digital Comic. Sauf que si l'on devait constituer l'arbre généalogique du genre, il serait sans doute beaucoup plus proche de Snatcher que de Tokimeki Memorial, ce qui explique pourquoi tant de joueurs pourtant habituellement peu enclins à apprécier cette catégorie de titres ont succombés aux charmes investigateurs de J.B..
Au coeur du système de jeu se trouve une carte avec toutes les destinations possibles ; de nouvelles venant bien sûr s'ajouter au fur et à mesure que l'enquête progresse. Dans chacun de ces lieux se trouve généralement une ou plusieurs personnes, que vous aurez le loisir de questionner à votre guise via des menus textuels sobres et efficaces. Si certaines déclarations vous semblent suspectes, libre à vous de demander un mandat à votre supérieur (demande qu'il acceptera ou non selon sa légitimité) afin de procéder à une perquisition et récolter d'éventuelles pièces à conviction.

L'un des aspects les plus intéressants de cette production provient de sa capacité à restituer fidèlement (?) la complexité que l'on toute personne n'ayant pas travaillé dans un commissariat présume être celle d'une enquête policière. Lorsque l'aventure commence, les possibilités sont plutôt restreintes, avec peu de lieux à visiter, d'interlocuteurs à interroger, de sujets de conversation à aborder. Mais progressivement, l'éventail de possibilités s'en va crescendo, avec de nouveaux indices, de nouveaux suspects, de nouveaux témoignages, tous plus douteux les uns que les autres, le tout s'entrecroisant et dévoilant au grand jour des relations parfois inattendues entre les personnages. Au total, plus de 30 protagonistes gravitent autour de la mort de Bill Robbins, allant de Daisy la guichetière du théâtre à Michael le beau-frère de la victime. Bonne mémoire recommandée donc.
Pour le joueur, cela se traduit par des menus de plus en plus denses, l'obligeant par la même à se creuser un peu la tête afin de ne se concentrer que sur les éléments les plus pertinents. Evidemment, pour les petits-slips, il reste toujours la possibilité de parler de tout à tout le monde mais, outre le manque d'intérêt de la démarche, cela devient surtout vite long et soporifique.

Une fois suffisamment de preuves réunies, une autre séquence, particulièrement trippante, consistera à faire diffuser les mandats d'arrêt et à procéder, si ce n'est à la mise en zonzon, au moins à des interrogatoires poussés dans les locaux de la Police. Sorte de Gyakuten Saiban avant l'heure, ces scènes sont là pour
faire monter la pression chez les derniers suspects et faire cracher le morceau à qui voudra. Quel pied !
Lever le voile sur cette affaire, voilà bien le point que l'on garde en ligne de mire, que l'on ai son paddle PC Engine en mains ou pas d'ailleurs. Car tel le visionnage d'un bon Hitchcock que l'on aurait été contraint de mettre en "Pause" pour aller répondre au téléphone, interrompre une partie de Murder Club présente un côté prononcé pour le supplice, au point de ne plus penser qu'à ça tant que l'on n'a pas été témoin de son dénouement. Et de pouvoir enfin crier "C'était Chaw Ling le meurtrier !".

Bien gaulé (le générique d'introduction, fantastique, renverrait presque celui de Snake Eater à la cave) et addictif, Murder Club pourra paraître trop statique ou scripté, mais mérite pourtant bien plus qu'un cigare. Les américains lui ont d'ailleurs rendu justice (ohoh) en lui offrant une sortie sur leur territoire, véritable bulle d'air dans la ludothèque TurboGrafX.

Lorsque je demande à mon tonton quel est son jeu d'enquête fétiche, il me sort son exemplaire de Perry Mason - Case of the Mandarin Murder. Pour mon petit cousin, c'est encore et toujours Detective Conan, avec Atasuki no Monument. Quant à ma grand-mère, elle ne démord pas du fabuleux Stefan Derrick Abentauer - Ein Deutscher Cop Simulazion. Et moi, je joue à J.B. Harold Murder Club.

_____________________________________________________________________________________________________________________Kabuki