*No Scanner*
MAISON IKKOKU
DIGITAL COMIC
MICROCABIN
1986 / 1989

La revoilà, la pension des Mimosas ! Enfin moi je dis ça, mais j’avoue qu’à l’écriture de cette page, soit 23 ans après la diffusion du dessin animé, voilà que je me pose une question existentielle : finalement, c’est quoi une « pension » ? Internet m’apporte la réponse suivante, m’expliquant qu’il s’agit « d’habitations communautaires de petites tailles (…) permettant à des personnes en phase de désocialisation de renouer des liens avec la société. Ce sont des lieux d’hébergement où ils peuvent rester sans limite de temps. Ils y trouvent un ou des hôtes qui leur donnent le coup de main nécessaire pour revivre dignement ». Comme quoi il n’est jamais trop tard pour s’instruire, merci Nekofan (et surtout le Lien Social) !

En l’occurrence, cela colle plutôt bien avec le contexte des personnages bigarrés et un peu paumés que l’on va rencontrer dans cette sympathique HuCARD, et que les amateurs de la belle œuvre de Rumiko Takahashi reconnaîtront avec plaisir : Charlotte la gourmande, Pauline l’alcoolo et son fils Léo, François le beau gosse, ou encore Stéphane le mole-man ayant carrément creusé un tunnel entre sa chambre et celle d’Hugo… Et en parlant d’Hugo, étudiant un peu trop naïf et rêveur, c’est fort logiquement (?) lui que le joueur incarnera ; un joueur qui sera par ailleurs lâché dans la nature dès l’appui sur le bouton Run : pas d’introduction, pas d’explication, rien, on se retrouve dans la piaule n°5, sans objectif, libre de faire ce que l’on veut. Il est d’ailleurs tout à fait possible de se manger un game over au bout de 30 secondes de jeu, en se jetant comme un con par la fenêtre. Une sorte de mise en garde pour nous rappeler que les Digital Comics en Japonais, c’est pas pour rigoler, même à la pension des Mimosas.

Heureusement, en se baladant un peu dans la bâtisse et en taillant une bavette avec ses occupants, on arrivera enfin à cerner un peu plus le but de cette production, à savoir mettre la main sur une mystérieuse photo que cacherait Juliette dans sa chambre. Et autant être clair, ça ne va pas être de la tarte car ce Maison Ikkoku a beau être un simulateur de romantique, ça ne l’empêche pas d’être sacrément difficile. Si vous êtes coutumier du manga ou du dessin-animé, vous vous souvenez probablement à quel point les locataires de la pension étaient bizarres, chiants, voire parfois complètement cons. Cet aspect est parfaitement respecté dans le jeu puisque les gonzes n’hésiteront pas à vous les casser en permanence, vous obligeant à acheter leur complaisance en échange de quelques bols de ramens ou verres de saké. Sachant qu’il y a peu de moyens de récupérer de la thune et pas franchement de combats aléatoires pour farmer, mieux vaudra être très précautionneux sur la gestion de son capital, à moins de vouloir rester bloquer et devoir se retaper pour la nième fois un copieux password de plus de soixante caractères âprement récupéré dans les toilettes (hé ouais les jeunes, ça se faisait déjà en ’89 ce genre de lol). Y a pas à dire, que c’est compliqué l’Amour !

Techniquement, il ne faut pas s’attendre à de la grosse folie mais on s’en doute un peu pour un digital-comic des 80’s. A noter au passage que le jeu est initialement sorti en '86 sur les ordis nippons, avant d'avoir droit à des adaptations consoles, évidemment Famicom et PC Engine comme le voulait la coutume de l'époque. Bref, il s'agit là d'un classique pour Microcabin et il faut reconnaître que même aujourd'hui les graphismes dépouillés ne manquent pas d’un certain charme, voire d’un charme certain. La musique de l’écran-titre est même un petit amour de « chiptune » que ne manquera pas de reconnaître le fan du générique original japonais. Les afficionados du Club Do’, eux, préféreront comme moi faire les cons au Queen avec Bernard Minet.

Le plus gros souci n’est donc pas vraiment dans la technique, mais plutôt dans l’ergonomie un peu lourdingue qui trahit les décennies écoulées : 1989 paraît si loin… Sans indication sur la bonne marche à suivre, il n’y a en effet pas d’autre solution que de tâtonner en testant un à un tous les choix proposés par l’interface textuelle (qui squatte les 3/4 de l’écran, tranquille), en espérant que l’un d’entre eux permette de grapiller de nouveaux éléments scénaristiques. Et malgré le fait qu'il n'y ait pas des masses d'endroits à visiter, on passe quand même une bonne partie de son temps à regarder/ouvrir/frapper/utiliser/prendre tous les coussins/rideaux/portes/fleurs/chambres que l’on croise, ce qui n’est pas vraiment le synonyme du fun, surtout quand la tentative se révèle vaine neuf fois sur dix.

Vous l’aurez compris, intrinsèquement ardu et doté d’une interface d’un autre temps, Maison Ikkoku est un titre pour le moins aride et laborieux. Pour autant, il y a du cœur dans ce jeu, comme dans la cuisine au beurre, et ça ça fait du bien ! Difficile donc d’oser la déclaration d’amour à Juliette, mais on ne peut s'empêcher de ressentir néanmoins un « sentiment d’amitié profonde » digne de celui d’Aurora pour Didier, et qui mérite bien que vous laissiez sa chance à cette HuCARD pleine de sensibilité. C’est dit !

_______________________________________________________________________________________________________ Kabuki