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CD
BATTLE
HIKARI NO YÛSHATACHI
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CD
BATTLER
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KING
RECORDS
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1993
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Vous
n'êtes pas sans le savoir, le marché de la presse va
mal. La raison officiellement invoquée : une concurrence surexcessive,
l'influence sans cesse grandissante des webzines, etc etc... Bref,
on va pas vous la refaire, on nous le répète suffisamment
à tous les coins de rue pour que tout le monde soit au courant.
Mais en fait, la vraie raison, j'vais vous la dire : tous ces papiers,
du moins ceux qui traitent de musique ou de jeux vidéo, se
fourvoient dans l'erreur depuis plus de dix ans maintenant ; 1993
plus exactement. Et pour cause, ce que veulent les lecteurs aujourd'hui,
ce n'est pas savoir si Xenosaga leur permettra d'avoir leur Bac philo,
ou si le nouvel album des L5 propose des arrangements chiadés.
Non, ce qu'ils veulent, c'est tout simplement connaître la valeur
brute de leurs galettes, via un critère de référence
irréfutable, loin de toutes les considérations subjectives
qui pourraient venir polluer les débats.
Et pour ça, il n'y a pas à tortiller, rien de mieux
qu'un défi CD Battle : viril et impitoyable, voilà de
loin le moyen le plus fiable pour trier le grain de l'ivraie, dégager
le hit de la daube. Pour sûr.
Tout l'intérêt de ce Super CD-ROM2 repose en effet sur
son principe génial, qui permet à vos propres CD (jeu
ou musique) de s'affronter dans une arène rappelant un combat
de RPG. Sauf que là, on ne vous impose pas le jeune amnésique
un peu "dark" (...) ou la pipelette reloue.
Reste
qu'une fois CD Battle booté, il est ainsi demandé au
joueur d'insérer successivement deux autres disques dans sa
PC Engine : pour chacun d'eux, la console va ainsi générer
une équipe de trois personnages ; avatars numériques
qui scelleront le destin guerrier de ces galettes qui n'avaient pourtant
rien demandées à personne.
De
même, la console détermine, pour chaque combattant, ses
statistiques (HP, MP, force, ...), magies disponibles et classe d'appartenance
: chevalier, elfe, clerc, magicien noir, monk, ninja et samouraï
sont les six jobs de base, auxquels s'ajoutent quelques classes cachées
("cachées" est un grand mot, vu qu'un simple survol
de la notice permet de déflorer l'effet de surprise...) réservées
aux chef-d'oeuvres comme "Propagande Américaine"
par exemple. Evidemment, même si les stats sont définies
arbitrairement, elles restent liées à la classe du personnage,
histoire de garantir un minimum de cohérence à l'ensemble.
A
chaque CD correspond donc une, et une seule, équipe de trois
personnages. Inutile de relancer plusieurs fois le même disque
pour espérer récupérer un meilleur groupe : il
ne s'agit pas d'un tirage aléatoire, mais bien dépendant
de la structure du CD.
Une fois les deux teams face à face, le duel se déroule
au tour par tour, chacun décidant qui va frapper qui, et comment.
Sachant qu'il n'y a pas de mode solo autorisant une IA à gérer
une équipe, il est plutôt recommandé d'avoir un
pote en réserve...
Avant d'écrire ces quelques lignes, j'en ai profité
pour relancer tout ça, histoire de me rafraîchir la mémoire.
J'ai donc pris les deux premiers CD qui traînaient sur mon bureau,
afin d'opérer, si ce n'est au match of the millenium, au moins
au match of the hour. Les
deux élus, pris donc totalement au hasard, sont Enrico Rava
& Stefan Bollani avec "Montréal Diary /B", et
Nelson Veras avec son album untitled. Easy enough.
Pour le premier, on a droit à un samouraï, un clerc et
un chevalier. Pour le second, deux samouraïs et un monk.
Etant tout seul au moment de faire ce test, j'ai donc pris mon courage
à deux mains et dirigé tour à tour les deux camps.
Un exercice de grand-standing, répandu chez les meilleurs joueurs
d'Echec... et aussi chez les asociaux, mais chut,
essayons d'embellir tant que possible la situation.
Conclusion du duel : le guitariste brésilien terrasse le duo
italien, notamment grâce à son surpuissant moine-guerrier.
Voilà un test clair et net, où ni la subjectivité,
ni l'air du temps, n'ont de prise.
Malheureusement, l'entourloupe (car entourloupe il y a) de ce CD Battle,
c'est que l'on se rend vite compte qu'il ne s'agit que d'une coquille
vide. A part ces petits défis sympathiques bien qu'éphémères
(et dont la substantielle moelle provient des disques que l'on aura
décidé de faire combattre), il n'y a rien d'autre à
espérer de ce Super CD-ROM2. Et pour cause, après l'avoir
chargé une première fois dans sa PC Engine, on peut
le ranger illico dans sa boîte (vous remarquerez au passage
le trait assez amateur de la jaquette, dont je vous laisse méditer
les sources d'inspiration...) puisque tout le programme tient dans
la RAM de la console. A 6300 yens, ça nous fait quand même
cheros de l'octet.
Précisons quand même rapidement que si King Records est
une boîte connue, c'est bien pour son activité musicale,
et non vidéoludique. Il n'est donc pas étonnant de trouver
en CD Battle un titre au croisement de la musique et du jeu vidéo,
d'autant qu'il a été produit par M. Sakai, loulou ayant
déjà travaillé sur pas mal de projets estampillés
Falcom...
Bref, sur le fond, CD Battle n'est donc qu'une variante "high-tech"
de ce très cher Barcode Battler, celui-là même
qui nous permettait de savoir si les pépitos étaient
plus balèzes que les barquettes à la fraise.
Le problème, c'était que l'un des intérêts
du BB original provenait de sa simplicité d'emploi et de son
caractère nomade, puisque ne nécessitant pas de console
ou quelconque interface supplémentaire. Mais dans notre cas,
à la manière du BBII qui pouvait être relié
à la Super Famicom, l'obligation de passer par l'intermédiaire
d'une PC Engine et d'une TV casse toute la spontanéité
d'un tel concept. Du coup, une fois passées les premières
minutes d'euphorie où l'on essaie les combinaisons les plus
débiles qui soient, on ne branchera plus ce Super CD-ROM2 que
de manière extrêmement ponctuelle, réduisant ainsi
sa durée de vie telle une peau de chagrin (<= Balzac, 1831).
Mais
pour en revenir à ce qui a été dit au début
de cette page et histoire de juger impartialement de la qualité
de ce titre, quoi de mieux que de tester CD Battle par CD Battle ?
Hmm, je vous le demande ?
Le résultat, c'est une équipe plutôt respectable
de deux chevaliers et d'un ninja, qui se permet de faire mordre la
poussière à mon crew Dragon Knight 3 ! Or, toute personne
un peu censée vous dira que DraKni 3 (notez le petit-nom, il
paraît que c'est tendance) est quand même vachement mieux
foutu que ce CD Battle, au principe original mais à l'exécution
trop limitée.
A partir de là, merde, autant finalement rester sur Radikal,
les Inrock ou Gramophone !
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Kabuki
N.B.
: désolé pour les photos d'écran, mais après
avoir essayé de faire fonctionner ce titre sur émulateur,
impossible d'aller plus loin que l'écran titre.
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